La FNAIM dénonce le monopole des Safer sur le marché foncier : une bataille juridique aux enjeux colossaux
La FNAIM dénonce le monopole des Safer sur le marché foncier : une bataille juridique aux enjeux colossaux
Introduction : Un conflit aux racines profondes
Le marché immobilier français est secoué par une tension croissante entre la Fédération Nationale de l'Immobilier (FNAIM) et les Sociétés d'Aménagement Foncier et d'Établissement Rural (Safer). Ces dernières, accusées d'abus de position dominante, font l'objet d'une plainte déposée par la FNAIM auprès de la Commission européenne. Ce conflit, loin d'être anodin, soulève des questions fondamentales sur la régulation du marché foncier et les pratiques concurrentielles.
Les Safer : un acteur incontournable mais controversé
Rôle et fonctionnement des Safer
Créées dans les années 1960, les Safer ont pour mission de réguler le marché foncier en favorisant l'installation des jeunes agriculteurs et en limitant la spéculation. Elles disposent d'un droit de préemption leur permettant d'acquérir en priorité les terres agricoles et les biens ruraux. Ce mécanisme, bien que louable dans ses objectifs, est aujourd'hui pointé du doigt pour ses effets pervers.
Un monopole de fait
Avec plus de 50 000 transactions annuelles, les Safer sont devenues le premier vendeur de biens en France. Leur position dominante leur confère un pouvoir considérable sur les prix et les conditions de vente. Selon un rapport de la Cour des Comptes, elles contrôlent près de 30 % des transactions foncières dans certaines régions, un chiffre qui alarme les professionnels du secteur.
La FNAIM passe à l'offensive
Une plainte historique
La FNAIM, représentant plus de 10 000 agences immobilières, a décidé de saisir la Commission européenne pour abus de position dominante. Dans un communiqué, son président, Jean-Marc Torrollion, dénonce "une distorsion de concurrence intolérable". La fédération accuse les Safer de pratiquer des prix artificiellement bas, faussant ainsi le marché et pénalisant les acteurs privés.
Des exemples concrets
- Cas de la Bretagne : En 2022, une Safer a préempté une ferme de 50 hectares, proposée à 1,2 million d'euros, pour la revendre à un jeune agriculteur à 800 000 euros. Une pratique jugée "déloyale" par les agences locales. - Affaire en Provence : Un domaine viticole a été acquis par une Safer à un prix inférieur de 40 % à sa valeur marchande, suscitant l'ire des propriétaires voisins.
Les enjeux économiques et juridiques
Impact sur le marché immobilier
Les pratiques des Safer ont des répercussions majeures sur l'économie locale. En fixant des prix planchers, elles découragent les investisseurs privés et limitent la liquidité du marché. Selon une étude de l'INSEE, cette situation a entraîné une baisse de 15 % des transactions immobilières dans les zones rurales en 2023.
Le cadre juridique européen
La plainte de la FNAIM s'appuie sur l'article 102 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE), qui interdit les abus de position dominante. La Commission européenne, déjà interpellée sur des cas similaires en Allemagne et en Espagne, pourrait ouvrir une enquête approfondie. Les experts juridiques estiment que cette affaire pourrait durer plusieurs années, avec des conséquences potentielles sur la législation française.
Réactions et perspectives
Le point de vue des Safer
Les Safer, défendues par leur président, Emmanuel Hyest, affirment agir dans l'intérêt général. "Notre mission est de préserver l'équilibre des territoires ruraux, pas de maximiser les profits", déclare-t-il. Elles soulignent que leurs interventions permettent de maintenir une agriculture familiale et de lutter contre l'étalement urbain.
Les attentes des professionnels
Les agences immobilières, quant à elles, réclament une réforme du droit de préemption. "Nous ne demandons pas la suppression des Safer, mais une régulation plus équitable", explique un porte-parole de la FNAIM. Des négociations sont en cours avec le ministère de l'Agriculture pour trouver un compromis.
Conclusion : vers une refonte du marché foncier ?
Ce conflit met en lumière les tensions entre régulation publique et liberté économique. Alors que les Safer défendent leur rôle social, la FNAIM plaide pour un marché plus transparent. L'issue de cette bataille juridique pourrait redéfinir les règles du jeu immobilier en France, avec des implications pour les agriculteurs, les investisseurs et les collectivités locales. Une chose est sûre : le débat est loin d'être clos.
Pour aller plus loin
- Livre blanc : "Le marché foncier en France : entre régulation et libéralisation", publié par l'Institut Montagne. - Étude de cas : Analyse des effets des préemptions Safer sur les prix immobiliers, disponible sur le site de l'INRAE.