Loyers et crise sanitaire : ce que dit la loi sur les obligations des locataires malgré les restrictions COVID-19
Loyers en temps de pandémie : les confinements ne libèrent pas les locataires de leurs dettes
La crise du COVID-19 a bouleversé l’économie mondiale, plongeant de nombreux ménages et entreprises dans une précarité financière inédite. Parmi les questions brûlantes soulevées : les mesures de restriction sanitaire (confinements, couvre-feux, fermetures administratives) permettent-elles aux locataires de suspendre le paiement de leur loyer ? Une réponse claire émerge des tribunaux et des textes de loi : non, sauf exceptions très encadrées. Voici pourquoi, et quelles solutions existent pour les locataires en difficulté.
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✅ Le principe intangible : le loyer reste dû, même en cas de crise
Contrairement à une idée reçue, les décrets gouvernementaux imposant des fermetures d’activités ou des restrictions de déplacement ne créent pas automatiquement un droit à l’exonération de loyer. Plusieurs fondements juridiques le confirment :
- Le contrat de bail, un engagement sacré : Que ce soit pour un logement ou un local commercial, le bail est un contrat synallagmatique (à obligations réciproques). Le locataire s’engage à payer un loyer en échange de la jouissance du bien. Aucune clause standard ne prévoit une suspension pour cause d’épidémie, sauf si elle a été expressément négociée (ce qui reste rare). - L’absence de « force majeure » reconnue : Pour qu’un événement comme le COVID-19 puisse justifier un non-paiement, il faudrait qu’il rende absolument impossible l’exécution du contrat (article 1218 du Code civil). Or, les juges estiment que : - Un locataire peut généralement continuer à occuper le logement (même en télétravail). - Un commerçant peut parfois adapter son activité (click & collect, livraison). - Les aides publiques (fonds de solidarité, PGE) ont été mises en place pour atténuer les impacts financiers. - La jurisprudence constante : Depuis 2020, les tribunaux (notamment les cours d’appel de Paris, Lyon ou Bordeaux) ont systématiquement rejeté les demandes de locataires invoquant le COVID-19 comme motif de non-paiement, sauf preuve d’un accord écrit avec le propriétaire.
> ⚖️ Exemple marquant : En 2021, un restaurant parisien avait tenté d’invoquer la force majeure pour ne pas payer 6 mois de loyer. Le tribunal a jugé que « la fermeture administrative ne rendait pas impossible l’exploitation du fonds de commerce » (notamment via la vente à emporter) et a condamné le locataire à régler les arriérés majorés des pénalités de retard.
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⚠️ Les exceptions (très limitées) où un locataire pourrait contester
Bien que le principe soit clair, quelques scénarios exceptionnels pourraient permettre une réduction ou un étalement des loyers :
- Une clause spécifique dans le bail : Certains contrats (souvent commerciaux) intègrent une clause de hardship (déséquilibre économique) ou de révision pour cas de force majeure. Dans ce cas, une renégociation est possible, mais elle doit être documentée et acceptée par le bailleur.
- Un accord amiable avec le propriétaire : De nombreux bailleurs (surtout institutionnels) ont consenti à des réductions temporaires ou des étalements pour éviter les contentieux. Ces accords doivent être formalisés par écrit pour éviter tout litige ultérieur.
- Un cas extrême de force majeure : Si le locataire prouve que l’immeuble était totalement inaccessible (ex. : zone rouge confinée avec interdiction formelle d’y résider), un juge pourrait admettre une suspension partielle. Mais les preuves doivent être irréfutables.
➡️ À retenir : Sans l’un de ces éléments, le locataire reste redevable du loyer intégral, y compris les pénalités de retard en cas de non-paiement.
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💡 Que faire en cas de difficultés financières ? Les solutions concrètes
Si vous êtes locataire (particulier ou professionnel) et que la crise a affecté vos revenus, voici les démarches à privilégier avant de cesser de payer :
1. Négocier avec son propriétaire
- Approchez-le dès les premiers signes de difficulté : Un bailleur préférera souvent un arrangement à un locataire insolvable. - Proposez un échéancier : Étalement des arriérés sur 6 à 12 mois, ou réduction temporaire (ex. : 30 % pendant 3 mois). - Formalisez l’accord : Un email ou un avenant au bail suffit, mais évitez les accords oraux.2. Solliciter les aides publiques
- Pour les particuliers : - Fonds de solidarité logement (FSL) : Aide départementale pour les loyers impayés (sous conditions de ressources). - Action Logement : Prêts à taux zéro pour les salariés en difficulté. - Pour les professionnels : - Fonds de solidarité (pour les TPE/PME) : Jusqu’à 10 000 € de subvention. - Prêt garanti par l’État (PGE) : Pour couvrir les charges fixes, y compris les loyers.3. Saisir un médiateur
Si le dialogue est rompu, un médiateur de la consommation (gratuit) peut aider à trouver un compromis. Pour les baux commerciaux, la Commission départementale de conciliation est compétente.❌ À éviter absolument
- Cesser de payer sans prévenir : Risque d’expulsion (même si les procédures sont ralenties) et de condamnation aux frais de justice. - Invoquer le COVID-19 comme excuse systématique : Les juges sont désormais très stricts sur ce point.---
📊 Chiffres clés : l’impact réel des impayés post-COVID
Une étude de la Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM) révèle que : - 15 % des locataires commerciaux ont demandé une renégociation de loyer en 2020-2021. - Seuls 3 % des bailleurs ont accepté une annulation pure et simple (contre 40 % pour des étalements). - Les contentieux pour loyers impayés ont augmenté de 22 % entre 2019 et 2021, avec un pic dans les secteurs de la restauration et du tourisme.
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⚖️ Que risque un locataire qui ne paie pas ?
En l’absence d’accord ou de motif valable, les conséquences peuvent être lourdes :
| Sanction | Délai moyen | Coût estimé | |----------------------------|-----------------------|--------------------------| | Mise en demeure | 15 jours après impayé | Frais de lettre (20-50 €) | | Pénalités de retard | Dès le 1er jour | 5-10 % du loyer/mois | | Résiliation du bail | 2-6 mois | Expulsion + frais de justice (1 500-5 000 €) | | Inscription au FICP | 3 mois d’impayés | Difficultés à louer ou emprunter pendant 5 ans |
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🔍 Conclusion : anticiper plutôt que subir
La pandémie a mis en lumière les limites des protections juridiques pour les locataires en difficulté. Le loyer reste une dette prioritaire, et les tribunaux ne reconnaissent pas le COVID-19 comme un motif automatique d’exonération. Cependant, des solutions existent pour éviter l’engrenage des impayés :
✅ Dialoguer avec son bailleur dès les premiers signes de tension. ✅ Se tourner vers les aides publiques avant que la situation ne devienne critique. ✅ Consulter un juriste en cas de litige pour évaluer les risques.
> 💬 Le conseil de l’expert : « Un locataire qui agit de bonne foi et cherche des solutions aura toujours plus de chances d’obtenir un arrangement qu’un locataire qui cesse de payer sans prévenir. La transparence est la clé. » — Maître Sophie Durand, avocate en droit immobilier.
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📌 Ressources utiles
- Service public : Aides au logement - Médiateur de la consommation - FNAIM : Modèles de lettres pour renégocier un loyerCet article a été rédigé à titre informatif et ne constitue pas un conseil juridique. Pour une situation personnelle, consultez un professionnel du droit.